Création et transmission

Mon métier premier est celui de jouer ; l’irrépressible besoin de raconter, de sentir le tempo des regardants, de vivre en temps réel le mystère de la présence. Un être, c’est un monde. Plusieurs êtres, plusieurs mondes. La constellation du moment de la rencontre avec les spectateurs est unique ; elle n’existait pas avant, et n’existera plus après. Le temps réel fait loi. Même si la recette est identique, elle n’aura jamais le même goût. Cela paraît évident, mais s’en rendre compte dans un monde où tout s’enregistre et se virtualise peut apparaître comme un acte de résistance et de profond goût pour la vie sans concession.

Jouer. Quel mot singulier pour définir cet acte fondateur. Comme le « jeu » que l’on trouve entre la vis et le boulon, j’aime penser à ce petit espace entre les frontières comme espace de tous les possibles. Ce petit rien aide à faire cohabiter différentes matières entre elles. Ce « jeu » dans l’acte théâtral est pour moi la clé de voûte du « pourquoi on fait ça ? ». C’est l’invisible dans le visible. Dans ce « jeu » se loge la rencontre entre des êtres qui ont choisi de se placer les uns en face des autres pour se raconter des histoires. Nous proposons des mises en scènes, mais l’inconnu du moment présent est maître de ce qui s’échangera. L’espace, les états d’âme, les émotions, la mémoire, la généalogie, le marquage culturel, l’histoire d’un peuple, d’une civilisation, tout se dépose dans ce temps d’apparition, les uns en face des autres.

Jouer est le moyen que j’ai trouvé pour continuer à habiter ce corps et cet esprit dans ce monde.

Jouer m’aide à goûter à chaque fois à la nature humaine. C’est une terreur et une jouissance en même temps, une alchimie que je sais par expérience être contagieuse.
Je suis artiste dramatique. J’ai besoin de penser les projets. Dans le même temps, il me vient la nécessité de transmettre ce que j’ai éprouvé. Ainsi, je me définis autour de trois axes : jouer, créer des projets et transmettre.
S.P